DE LA CONNAISSANCE AU SAVOIR

 

La philosophie et la religion admettent que l'Homme occupe dans le champ de la Création une position charnière qui lui permet de participer, par sa nature créée, à l'expression passive d'un univers qui le dépasse et l'englobe mais aussi d'être un instrument consciemment créateur et d'aider à l'émergence et la formation de cet univers dont il est pourtant une partie. L'Homme, comme créature, se déplace dans la dimension des connaissances qui lui proviennent du contact arbitraire et accidentel avec les portions de l'univers qu'il rencontre dans sa course. Ainsi, ce qui est connu de l'Homme est caractérisé par la relativité (chaque chose connue l'est en vertu des conditions qui prévalent à l'instant de la rencontre entre le connaissant et l'objet de la connaissance ; conditions qui échappent à la volonté du connaissant comme à la nature du connu). Ainsi, la connaissance est une particularisation infinie du rapport possible entre les parties différenciées d'un même tout, et a pour condition spéciale une expérience non reproductible et une spécification non généralisable. Il résulte de la connaissance une variété infinie de points de vue génériquement dénommés : opinions. Notre monde humain est le produit de l'action de ces opinions à s'imposer les unes aux autres, avec une assurance d'autant plus marquée qu'elles sont relatives et spécifiques. Ainsi, le point de vue le plus particulier par sa nature "isolée" s'impose d'autant plus facilement dans un système politique ou des règles sociales, qu'il s'oppose à une assimilation à d'autres intérêts qui réduirait son particularisme et donc sa nature. Cette compétition "des petites choses" entre elles occupe les intérêts humains depuis des siècles et créent les modes changeantes, les standards de vie mouvants, les règles civiques contradictoires et la difficulté universelle de voir l'Homme se conduire lui-même autrement qu'en cherchant à s'imposer à son prochain. Mais loin d'astreindre l'Homme à sa condition de créature connaissante, ce désordre que l'Homme engendre autour de lui, l'incite à s'extraire de cette condition contingente de son individualité et donc à découvrir au-delà de lui-même ce qui serait une connaissance sans condition, un connu sans instrument de connaissance. Cet idéal : "connaître les choses en elles-mêmes" s'il était atteint, placerait l'Homme en possession de :

  • la clef qui ouvre l'accès à la conduite et la maîtrise des choses créées (découverte scientifique de l'essence de la matière ; les forces fondamentales),
  • le fil conducteur qui lui révélerait la raison de l'existence des choses telles qu'elles sont (découverte du principe de l'Absolu),
  • et enfin, la découverte de la nécessité pour laquelle les réalités sont créées (le but ou les fins dernières de la Création).
  • Un tel idéal de connaissance n'est généralement qu'entrevu par les partisans des écoles de philosophie, des sciences ou des religions car c'est dans le concours de ces 3 secteurs de connaissances qu'apparaîtrait enfin une connaissance des choses en elles-mêmes, c'est-à-dire un Savoir. Ainsi, le Savoir se caractériserait s'il apparaissait :

  • par son caractère universel (chaque réalité existe par les mêmes principes que toutes les autres),
  • par son unité (chaque portion du tout occupe une situation nécessaire à la vie de toutes les autres).
  • Ceci amènerait le savoir à une structure verticale qui établirait la prédominance de l'essentiel sur l'accidentel et une structure horizontale qui montrerait la graduation progressive entre le possible et le nécessaire. Ainsi, le Savoir affranchirait l'Homme du relatif en lui donnant une certitude partageable par son universalité et lui procurerait la capacité de participer à la Création par l'interdépendance enfin comprise des parties au tout. Le Savoir donc, accréditerait la religion, finaliserait la philosophie dans une communion unique des idées et conduirait toutes les sciences par une soumission systématique des causes aux principes vers un progrès proportionnel à la découverte de l'univers reflété en nous. C'est d'un tel Savoir que Wronski semble s'être approché infiniment et qu'il a tenté de partager avec un monde où prévaut encore la connaissance. Ainsi donc le Savoir posséderait une structure systématique qui placerait le connu et le connaissant sur un niveau d'interdépendance définie et maîtrisée. Cette structure du Savoir devrait non seulement révéler pour chaque objet de connaissance intérieure (psychologique) ou extérieure (objectif) son principe de vie (ce dont il dépend pour être), mais aussi son influence (ce qui dépend de lui pour exister), mais encore la position précise qu'il occupe dans l'ensemble de tous les objets de tout l'univers. Même si un tel degré de connaissance semble une imposture à la raison raisonnante, il ne subsiste pas moins que toute aspiration à découvrir est mue instinctivement par une telle ambition qui, lorsqu'elle est satisfaite, se cristallise sous la forme de la croyance. Nul ne croirait ce qu'il croit s'il doutait qu'une partie du tout qu'il envisage dans sa croyance dérogeait à la cohésion de l'ensemble. Le problème du Savoir n'est donc point de connaître tout pour envisager l'ensemble, mais de s'identifier à l'ensemble afin d'être en position de tout inclure. La structure architectonique de la Loi de Création est l'organisme de cette identification et l'objet de ce savoir. Elle apparaît comme trame de toute l'Apodictique messianique et même l'oeuvre entière de Wronski.

     

    > Retour au menu principal